Variantes : Artus, Artu
Personnage historique ayant vécu à la fin du Ve siècle, au moment des luttes des Bretons contre les Saxons et les Angles. C’est, dans les romans du Cycle breton, le roi légendaire de Bretagne (la grande Bretagne insulaire par opposition à la petite Bretagne ou Armorique), à la cour de qui, une fois l’an, se rassemblent, autour d’une table où chacun a sa place marquée, les meilleurs chevaliers pour y conter leur propres exploits ou y soumettre leurs problèmes personnels.
Sa personnalité demeure quelque peu théorique, déterminée plutôt par l’extérieur, par les règles des hommages qui lui sont rendus selon un code chevaleresque précis. D’un côté il se rapproche du roi Marc ; comme lui Arthur est un époux trahi, sa femme Guenièvre sera, avec Lancelot du Lac, l’héroïne d’un célèbre roman d’amour ; de l’autre, il est, comme Charlemagne, le souverain qui réunit autour de lui la fleur de la chevalerie et en coordonne les entreprises. Ce double aspect, au lieu de le mieux définir, rend sa figure encore plus flottante. En tant que mari trompé, Arthur est presque inexistant ; il ignore pendant longtemps son malheur et, lorsqu’il ne peut plus en douter, sa conduite lui est dictée par un sentiment plutôt abstrait de la justice souveraine, tempéré par une conception assez imprécise de la pitié humaine. Au fond, le même comportement que nous observons chez le roi Marc, mais avec une puissance dramatique bien moindre. En tant que suzerain, Arthur semble entouré d’une atmosphère plus poétique que celle de Charlemagne : les fins auxquelles tendent les chevaliers bretons ne sont pas celles uniquement guerrières d’une lutte contre les infidèles, elles se concentrent, d’abord, sur un idéal de perfection masculine chevaleresque, code des rapports avec l’ami, l’ennemi, la femme, plus tard, sur un idéal religieux symbolisé par la Quête du Saint Graal, le vase dans lequel Joseph d’Arimathie recueillit le sang du Christ. Toutes les aventures de ces chevaliers errants ne sont, à vrai dire, que des moments d’une recherche de l’idéal et leur terme marquera la fin des temps aventureux ; symboliquement cela signifie que le Graal, forme poétique et mystique du message chrétien parvenu dans le Nord, mettra fin, par son apparition, à l’ancienne tradition païenne de magie et de combat pour établir le royaume de l’élévation spirituelle, de la grâce et de l’amour. Toutefois, l’élévation lyrique même de sa tâche, la subtile idéologie qui y est contenue empêchent le roi Arthur de sentir la réalité d’un drame humain tout tendu, à travers luttes et obstacles, vers une rédemption ; suspendu aux deux extrémités de la magie païenne et la grâce chrétienne, il semble contraint à se tenir discrètement dans l’ombre, attendant que ces deux mobiles animent par leurs propres moyens le monde chevaleresque qui dépend de lui.
Il manque surtout au roi Arthur ce sens secret du patriarcat qui, d’Agamemnon à Charlemagne, constitue la première caractéristique de ces meneurs de peuples et les amène à recueillir en eux toutes les souffrances, les luttes, les gloires de leurs sujets. Il ne pouvait en être autrement, si nous pensons qu’Arthur est la création d’une société cultivée, raffinée et courtoise, également éloignée du caractère primitif de l’Iliade et de celui de la Chanson de Roland.
Sans connaître, comme d’autres personnages de son cycle, tels par exemple Tristan et Yseult, de grandes résurrections modernes, la figure du roi breton s’est maintenue dans la littérature occidentale à travers de nombreuses adaptations des romans médiévaux. On la retrouve au début du XIIIe siècle en Allemagne dans l’Érec (1192) et l’Iwein (1202) d’Hartmann von Hue, au XIVe siècle en Angleterre dans une foule de romans écrits en dialecte septentrional, à la fin du XVe siècle en France dans plusieurs romans tel Le Petit Artus (1493). Dédaigné par la Renaissance et l’époque classique, Arthur retrouve un commencement de faveur au XVIIe siècle grâce aux adaptations de Tressan parues dans la Bibliothèque des Romans entre 1775 et 1780, puis à celles de Creuzé de Lesser : Les Chevaliers de la Table Ronde (1813). Dans l’Angleterre du XIXe siècle, deux oeuvres sont à signaler. Edward-George Bulwer-Lytton dans son poème Le roi Arthur [King Arthur, 1848-49] brode sur les données légendaires en y ajoutant des allusions à des évènements contemporains. Dans les Idylles du Roi, publiées de 1842 à 1872, Alfred Tennyson a fait du roi Arthur le type accompli de l’ »honnête homme » que ses échecs, en l’ouvrant à la réflexion, ne font que préparer à une vision sage et mesurée du monde, vision qui, d’ailleurs, n’est que la transposition dans une imagerie gothique de l’idéal victorien.
Si le Roi Arthur [King Arthur, 1691] de Henry Purcell et John Dryden n’a que des rapports très éloignés avec le héros du cycle de la Table Ronde, – il s’agit d’un roi chrétien de Bretagne guerroyant contre Oswald, roi saxon du Kent, avec lequel il est entré en conflit pour la main de la princesse aveugle Emmeline -, c’est bien une grande figure légendaire que Ernest Chausson a tenté d’évoquer, dans un style assez wagnérien, dans son opéra le Roi Artus (1903) ; on s’arrêtera particulièrement à la grandiose scène finale de l’apothéose d’Arthur, où le roi, l’âme apaisée, descend vers la mer et disparaît bientôt, voguant vers l’immortalité à l’appel de voix mystérieuses prometteuses d’idéal.

Armes : d’azur à treize couronnes d’or.
Cimier : un dragon de sinople, lampassé de gueules, issant d’une couronne d’or.
Support : deux lévriers rampants d’argent, colletés de gueules.
Devise : PENDRAGON TESTE DE DRAGON.
Généalogie : Roi de Bretagne. Fils d’Ygerne de Tintagel et d’Uther Pendragon ; père de Mordret ; oncle de Gauvain et ses frères.