Il faut que les hommes deviennent justes par la Foi et s’élevent à l’Intelligence.
Saint Bernard
Le Saint Graal, souveraine Substance, est le Cœur de la Connaissance vivante qui ne peut être traduit par des mots. Il contient la vie du Saint-Esprit, les intimités des mystères de Dieu, les splendeurs célestes. On comprend que l’obtention de cette Haute Connaissance exige une grande pureté. Elle conduit au cœur de l’Absolu, Réalité sous-jacente au Surnaturel lui-même et à tout ce qui est créé.
Cette Réalité, rayon très pur, pénètre l’homme ; véritable sang universel, il génère une paix profonde et une lumière forte dont la prise de conscience s’étale en une exhilarité céleste, il constitue la Connaissance vivante ou Connaissance du Saint Graal. Connaître ce Réel suprême est le but de la Queste, au cours de laquelle on perçoit les essences spirituelles des mondes intelligibles, on analyse leur rayonnement spirituel jusque dans l’orbe temporel; on plonge dans l’océan des paradigmes dynamiques, on découvre, ô joie sans borne, le rayon incréé de l’Absolu, l’intelligence-Racine, le Verbe fondement de la Tradition Une et du christianisme, le Cœur de Dieu.
Cette Connaissance d’où le Verbe ne peut être exclu, puisqu’il en est le vif Principe, c’est le Saint Graal, ce Réel que, sous le manteau des symboles et des liturgies, la religion chrétienne s’efforce de rendre sensible, tandis qu’elle le livre effectivement aux fidèles, dans le sacrement de l’Eucharistie.
Au début de notre ère, cette Réalité suprême, Personnalité transcendante que rencontrèrent dans leurs hautes contemplations les grands inspirés de l’antiquité1 et notamment les prophètes de la tradition hébraïque, s’est manifestée en un point matériel, corporel, pôle authentique du Divin, affirmée et contenue en toute plénitude dans l’Esprit et la chair de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Cette manifestation du Verbe dans l’Histoire du monde a redressé l’ordre moral dans la conscience humaine désaxée et a fait briller d’un nouvel éclat la Tradition primitive.
Mais le Saint Graal, parèdre eucharistique, en demeure toujours le centre de Connaissance le plus profond, parterre embaumé de la Grâce où se cache le mystère de l’intimité divino-humaine.
Du Feu d’amour dont elle se nourrit dans son Lieu céleste2, la Connaissance vivante génère une intériorisation stable des idées ; sous son influence, les nœuds vitaux de l’organisme spirituel s’affinent, l’âme reconnaît son immortalité et la Connaissance comme un fleuve de miel s’écoule au sein de l’être, ouvrant à la conscience des horizons infinis.
Cette dernière se fixe alors dans le Réel inchangeable, le monde surnaturel, l’Acte pur de l’Aquinate ; elle ne se laisse plus entraîner par la sensibilité désordonnée, mais la règle, tandis que, refluant vers sa source, elle célèbre ses noces spirituelles avec l’Absolu, et l’âme s’universalisant se situe dans l’amplitude de la Pensée divine qui bat son rythme éternel à travers les Soleils des Univers.
Le Saint Graal est une force pure émanant de la Vie pure, de l’Amour pur ; il ne supporte aucune tache morale. Sa présence au milieu des hommes rayonne la Paix, la Connaissance, la Force et la Joie ; objet surnaturel, il nourrit, il éclaire, il rend invincible. Ces attributs appartiennent au Verbe fait chair et le Saint Graal s’identifie à la Connaissance sacramentelle qui en est la substance et le rite majeur.
Mais le saint, le docteur, l’homme qui incarna l’idéal du Saint Graal, c’est saint Bernard, ce saint bien français dont la vie cistercienne est faite de Pensée et d’ Amour.
C’est lui le chevalier Galaad de la légende, qui possède la pureté inamissible, qui a la vue ouverte sur les secrets, les intimités et les mystères de Dieu. Il connait comme il les appelle les « suavissimi arcani ».
De cette Connaissance vivante découle la vraie liberté des origines, celle qui est le mystère de l’Infini et qui est le fruit savoureux de l’Amour.
Cette Liberté profonde que n’arrête aucune limitation, que caractérise une spontanéité génératrice de vie, implique un choix, un consentement, une jouissance. Elle entraîne la volonté qui ne s’appuie pas ici sur le moi individuel, égoïste, créateur de cette volonté orgueilleuse de puissance dont Nietzsche a été le promoteur et la victime; mais elle s’appuie sur l’infini du Libre, où jouent dans toute leur plénitude les Souffles de la Grâce divine et où coule, fleuve de Lumière, le Sang du Saint Graal.
Elle a ses correspondances non seulement dans l’ individu, dans la Personne, mais jusque dans la famille et dans l’ordre social. Lorsque le monde s’en détourne pour les esclavages de l’orgueil et de la domination, elle a des retours violents que l’Histoire note : révolutions, chute des empires et mort des civilisations.
Telle une colonne de Lumière qui se dresse haut, dépassant nos conceptions, planant comme un Soleil, au-dessus des peuples et des races, malgré les incompréhensions et les déviations sacrilèges des mauvais bergers, elle, est là, la Liberté, toute noble, toute pure, dans l’amour et la justice, dans la grandeur et l’ordre. Elle attend que les hommes élèvent leur intelligence.
Cette Liberté profonde qui ne connaît que les stabilités vivantes de l’Esprit, a fait la révolution chrétienne de notre ère, qui se continue à travers les événements de I’Histoire.
La France est le pays qui a le mieux compris le sens de cette révolution, car pétrie de christianisme, ses saints, ses soldats, ses grands hommes possèdent tous cette clarté de conscience, puisée à même la Roche vivante du Libre éternel, pays noble du Saint Graal.
Le Libre éternel, substance du Saint Graal, cœur du monde, véritable dynamite spirituelle, fera sauter tous les égoïsmes.
Déjà l’ancienne Egypte avait pressenti le Libre éternel dans la notion du Cœur de Dieu, Vase de vie, Graal très saint, foyer de la Pensée créatrice et de la Connaissance : Tout-Ank-Amon, roi d’Egypte, avait consacré son peuple au coeur de la Divinité3.
De nos jours, l’Eglise a rendu sensible d’une manière populaire, l’idée du Libre éternel par la doctrine du Sacré-Cœur, résumé de tout le Christianisme.
Et parmi tous les peuples, la France malgré des oublis, des déviations, a toujours été porteuse de cette suprême Liberté qu’au cours de l’Histoire, elle a su faire briller aux yeux de toutes les nations.
1 Zoroastre, Virgile, la Sibylle de Cumes, etc.
2 « Il n’y a pas de Lieu, sinon dans I’Esprit. » Scot Erigène.
3 Louis Charbonneau-Lassay, « Le cœur humain et la notion de Cœur de Dieu dans l’Ancienne Egypte », Regnabit, n°6, novembre 1924.
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