Saint Benoît de Nursie

La conversion et l’équilibre (vers 480 – vers 547)

Deux pôles de la spiritualité du « Patriarche des moines de l’Occident », dont la règle est toujours vivante …

« Écoute, bien, mon fils, les leçons du maître, incline l’oreille de ton cœur… » Ainsi débute la règle attribuée à saint Benoît de Nursie, invitation au silence et à l’obéissance en Dieu, règle de vie toujours actuelle et véritable précis du christianisme, selon le mot de Bossuet. Né vers 480, Benoît est envoyé à Rome pour faire des études de rhétorique, mais refuse vite de faire carrière dans la société, comme l’exprime la chronique colorée de Grégoire le Grand : « … alors qu’il était encore sur cette terre où il pouvait jouir de ce qui passe, il méprisa bientôt comme un désert le monde avec ses fleurs ». Refus du siècle et surtout du mal qui l’habite, qui aboutira pourtant en un fécond paradoxe à modeler des siècles de culture occidentale par la diffusion du modèle monastique. Refus du monde, qui est en même temps pari sur la force d’une prière pour ce monde, gratuité offerte pour son salut. Refus du monde qui s’incarne dans une rupture exigeante, combat spirituel contre le prince de ce monde, au cœur de la vie humaine, comme l’exprime l’image traditionnelle de Benoît se roulant dans les orties pour résister à la tentation de la chair.

C’est d’abord comme ascète isolé, caché dans une grotte située au-dessus du lac de Subiaco, que Benoît approfondit cette recherche. Sa vie d’ermite, la sainteté de son témoignage attirent auprès de lui les disciples. Comme avant lui saint Pacôme en Égypte, il fonde une douzaine de monastères et, peu à peu, mûrit son projet de vie cénobitique qui prend forme à travers la fameuse règle de saint Benoît, compilation géniale des expériences religieuses précédentes. Mais c’est surtout à partir du Mont-Cassin, où il se retire avec quelques disciples vers 525, que va se déployer la fécondité bénédictine…

Très christocentrique, la règle de Benoît invite à tout quitter pour suivre le Fils de Dieu, à travers l’engagement du moine à se perpétuellement convertir, en renouvelant chaque jour son consentement à l’obéissance, la pauvreté, la chasteté et la stabilité dans un monastère déterminé. Vœux qui ne sont pas des fins en eux-mêmes mais des médiations, la réponse concrète d’une liberté à l’appel du Christ. Quête intérieure par la conversion de l’existence, l’oraison et la méditation des lectures spirituelles, la vie monastique constitue aussi un signe par sa dimension communautaire, comme un sacrement qui préfigure au cœur du monde le Royaume des Béatitudes, qui annonce par sa radicalité l’avenir ouvert par Dieu à tout homme qui sait l’entendre.

Mais, en même temps, ce désir de conversion se double, chez Benoît, sans hypocrisie ni volonté de casuistique, d’un grand sens de la mesure et de l’équilibre. Pour tenir en même temps dans une existence unifiée les pôles de la prière, de la lecture spirituelle et du travail manuel. Pour assurer la totale disponibilité du moine, l’offrande de sa liberté entière à l’œuvre de Dieu, en prévoyant dans les moindres détails le déroulement de la vie communautaire. Pour tenir compte des faiblesses de l’homme, de sa difficulté à persévérer dans la conversion évangélique : d’où cette insistance sur le bon sens, la qualité bienveillante de gouvernement de l’abbé, si caractéristique de la tradition bénédictine. Lieu de la rupture avec le monde, le monastère demeure aussi, dans un mouvement parallèle, espace d’accueil pour le pauvre, le petit, le marginal ou l’hôte de passage, qui sont pour le moine à l’image du « Christ qui passe »…


Crédit photoCreative Common

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